La poursuite de l’allaitement à la reprise du travail

Allaitement-travail

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois de la vie d’un enfant, poursuivi au moins jusqu’à l’âge de deux ans en complément d’une alimentation adaptée à l’âge de chaque enfant [1]. Les bénéfices de l’allaitement maternel sur la santé des femmes allaitantes et de leur enfant sont nombreux : chez le nourrisson, il diminue la prévalence d’épisodes infectieux (notamment digestif, respiratoires et ORL), de malocclusion dentaire, le risque de surpoids et d’obésité, de diabète de type 2 et augmente les performances aux tests d’intelligence chez les enfants et les adolescents [2]. Chez la mère, l’allaitement protège du risque de cancer du sein et de cancer de l’ovaire et diminuerait également le risque de diabète de type 2 [2].

L’allaitement maternel est donc un enjeu de santé publique qui a fait l’objet de recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) [3,4] et a été intégré dans les différents Plan National de Nutrition Santé (PNNS) successifs depuis 2001 [5–7].

Les derniers chiffres publiés par le Ministère de la Santé en 2016 montraient un taux d’allaitement maternel à la naissance de 68,1% sur l’ensemble du territoire national avec des disparités régionales [8]. Des chiffres plus complets de 2013, réalisés à partir des 3 certificats médicaux obligatoires au cours des deux premières années de vie chez les enfants nés entre 2011 et 2012, montraient un sevrage très précoce. En effet, la part des enfants allaités n’était plus que de 50% à 5 semaines de vie et de 40% à 11 semaines avec une durée médiane d’allaitement située entre 15 et 16 semaines. À six mois de vie, 18,5% des enfants étaient encore allaités [9]. Dans son avis relatif aux objectifs quantifiés pour le dernier PNNS 2018-2022, le Haut Conseil en Santé Publique (HCSP) recommande de fixer comme cible, un taux d’allaitement maternel de 75% à la naissance et un allongement de la durée médiane d’allaitement total de deux semaines [10].

En France, la durée légale du congé de maternité est variable principalement en fonction du nombre d’enfants à charge. Sauf en cas d’accord médical, il est de dix semaines après la naissance pour les deux premiers enfants et de 18 semaines à partir du troisième. Il y a donc une période, entre la fin de la durée légale du congé de maternité et les six mois de l’enfant, pendant laquelle une mère doit pouvoir poursuivre son allaitement maternel au travail. L’étude française Elfe de 2019 montrait que le report de la reprise du travail était associé à une prévalence plus élevée d’allaitement maternel d’une durée supérieure à six mois lorsqu’il s’agissait d’un premier ou d’un deuxième enfant [11]. Même si cette prolongation de la durée légale du congé de maternité dépend uniquement d’un plan de politique générale de santé publique, le report de la reprise du travail est possible par l’utilisation d’autres moyens réglementaires tels que les congés annuels, congés parentaux ou encore les comptes épargnes temps. Il parait également important de sensibiliser les équipes d’encadrement sur cette thématique pour permettre aux femmes qui souhaiteraient mener à bien leur projet de prolonger l’allaitement maternel. 

À la reprise de leur activité, les difficultés les plus fréquemment rapportées sont de trouver le temps pour tirer le lait, l’absence de local dédié, l’absence de réfrigérateur destiné au stockage du lait maternel et l’absence de soutien de la part des collaborateurs [12,13]. Le Code du Travail prévoit pourtant qu’une salariée dispose, pendant un an à compter du jour de la naissance de l’enfant, d’une heure par jour durant les heures de travail, pour allaiter son enfant. Cette heure est répartie en deux périodes de trente minutes déterminées après accord entre la salariée et l’employeur et réduite à vingt minutes lorsqu’un local dédié est mis à disposition. Il prévoit également que tout employeur peut être mis en demeure d’installer dans son établissement ou à proximité, un tel local si l’effectif de l’entreprise est supérieur à 100 salariés. Le local dédié à l’allaitement doit respecter des normes strictes en matière de santé et de sécurité.

Des actions sont donc possibles afin de mener une politique de promotion de l’allaitement en entreprise, par la mise en place de mesures institutionnelles simples, telles que faciliter le report du retour au travail, sensibiliser les équipes d’encadrement ou encore aménager un local dédié.  Ces mesures simples permettraient pour l’entreprise de se conformer à la réglementation en vigueur, mais lui permettrait également de soutenir le choix des mères qui désirent allaiter leur enfant et de s’impliquer dans la santé des salariées et de leur enfant.

Publication de Dr Romain JEAN DIT BAILLEUL, Médecin du travail à STI

Bibliographie 

[1] World Health Organization und UNICEF. Global Strategy for Infant and Young Child Feeding. World Health Organization. 2003.

[2] Victora CG, Bahl R, Barros AJD, França GVA, Horton S, Krasevec J, et al. Breastfeeding in the 21st century: epidemiology, mechanisms, and lifelong effect. The Lancet 2016;387:475–90.

[3] Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé. Allaitement maternel. Mise en œuvre et poursuite dans les 6 premiers mois de vie de l’enfant. ANAES (Paris): 2002.

[4] Haute Autorité de Santé. Favoriser l’allaitement maternel. Processus-évaluation. HAS (Paris): 2006.

[5] Ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Ministère délégué à la Santé. Paris, France. Programme National Nutrition Santé 2001-2005. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité (Paris): 2001.

[6] Ministre de la Santé et des Solidarités. Deuxième Programme national nutrition santé 2006-2010. Ministre de la Santé et des Solidarités (Paris): 2006.

[7] Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé. Paris, France. Programme National Nutrition Santé 2011-2015. Ministère Du Travail, de l’Emploi et de La Santé (Paris): 2011.

[8] Vilain, Annik. Le premier certificat de santé de l’enfant – Certificat au 8e jour (CS8) – 2016. vol. 68. Document de travail-Série Source et Méthode. DREES, Ministère Des Solidarités et de La Santé (Paris): 2018.

[9] Vilain, Annik. Deux nouveau-nés sur trois sont allaités à la naissance. vol. 958. Études et Résultats. DREES, Ministère Des Solidarités et de La Santé (Paris): 2016.

[10] HCSP. Avis relatif aux objectifs quantifiés pour la politique nutritionnelle de santé publique (PNNS) 2018-2022. Haut Conseil de la Santé Publique (Paris): 2018.

[11] De Lauzon-Guillain B, Thierry X, Bois C, Bournez M, Davisse-Patur et C, Dufourg M-N, et al. Maternity or parental leave and breastfeeding duration: Results from the ELFE cohort. Matern Child Nutr 2019;15:1–13.

[12] Desmond D, Meaney S. A qualitative study investigating the barriers to returning to work for breastfeeding mothers in Ireland. Int Breastfeed J 2016;11:16.

[13] Leon Larios F, Pinero Pinto E, Arnedillo Sanchez S, Ruiz Ferron C, Casado Mejia R, Benitez Lugo M. Female employees’ perception of breastfeeding-friendly support in a public university in Spain. Public Health Nurs 2019;36:370–8.

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